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HAMMOND STORY
par Alain Mangenotlocal 2011 |
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Laurens Hammond est né le 11 janvier
1895 à Evanston dans l'Illinois aux
États-Unis. Après les lunettes 3D et la
table de bridge automatique, cet
aventurier de la technologie allait
inventer dans les années 30 un
générateur de sons électronique
fabuleux, le cœur du futur B-3 .
Dans de nombreuses gares américaines, on peut encore voir des
horloges signées par la
Hammond Clock
Company.
Pourquoi ce surdoué de la mécanique, qui
à l'âge de 14 ans avait eu l'audace de
proposer à Louis Renault les plans d'un
embrayage automatique, a t-il eu l'idée
d'utiliser le moteur synchrone
particulièrement précis qu'il employait
dans ses horloges, pour faire tourner
les 91 roues phoniques composant le cœur
de l'instrument qui allait faire sa
renommée ?
Parce que c'était soit un génie, soit un illuminé, et plus
probablement les deux ! La
caractéristique d'un moteur synchrone
est que sa vitesse est fonction de la
fréquence du secteur; or si la tension
du secteur (110 Volts aux États-Unis)
pouvait fluctuer, la fréquence, elle,
était stable. Pour Laurens Hammond, ce
qui faisait tourner une horloge avec
tant de précision pouvait fort bien
faire fonctionner un générateur de son,
composé d'une multitude de petites roues
dentelées, tournant chacune devant un
aimant permanent sur lequel serait
bobiné quelques spires de fils
électriques.
Le système était déjà connu, c'était le
haut-parleur. Envoyez un courant
alternatif dans une bobine de
haut-parleur et la membrane vibre en
produisant un son. À l'inverse, si on
bouge mécaniquement une membrane de
haut-parleur et que l'on amplifie ce qui
sort du bobinage, on entendra un son.
Dans ce cas, le haut-parleur est appelé
un microphone.
tribute to hammond
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Laurens Hammond
sur un Hammond A

Hammond Electric Clock - the Chancellor
(1930) |
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91 roues phoniques |
Pour avoir autant de sons que de notes,
il fallait une roue par note, et pour
avoir des sons différents, c'est à dire
une gamme, il fallait faire tourner ces
roues à des vitesses différentes !
C'est là que notre mécanicien est à l'aise, pignons et roues
dentelées s'amassent. Pour entraîner
toutes ces roues, il faut des
embrayages, un axe central, des axes
secondaires, l'enfance de l'art ! C'est
trop rigide, ca bloque !
Allons donc, Laurens accouplera les
roues deux par deux, chaque groupe de
deux roues phoniques sera entraîné par
un embrayage à ressort et le générateur
sera divisé en un axe primaire
entraînant deux axes secondaires
desservants les groupes de roues
phoniques; le tout sera monté sur
suspension.
Problème ! Un moteur synchrone ne s'accroche sur le secteur
que quand il tourne à sa vitesse
nominale; seul il ne peut pas démarrer.
Laurens lui adjoindra donc un moteur de
lancement (asynchrone) qui entraînera le
moteur principal jusqu'à ce qu'il tourne
à sa vitesse de croisière, c'est ce
qu'on appellera le moteur de start. Et
pour que tout cela tourne rond, suprême
astuce, chaque groupe de deux roues
phoniques sera relié par un réseau de
fil en coton, de gouttières et de
tuyaux, à un bac à huile central. La
lubrification constante des différents
paliers en bronze poreux, moteurs et
pièces tournantes se fera par
capillarité.
On était en 1933, le générateur à roues phoniques était né.
tribute to hammond
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Roues phoniques
Hammond

Générateur
de roues phoniques |
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1934, Ford vient à la rescousse |
L'idée était trouvée, Laurens Hammond
voulait concurrencer avec son générateur
les orgues d'église à tuyaux. C'était
son but, mais des affaires précédentes
malheureuses (la A-Box, une des
premières batteries qui hélas explosait)
avaient mis la société en faillite.
C'est Henry Ford, le géant de
l'automobile, mélomane passionné, qui
viendra à la rescousse, en finançant et
en construisant les premières
productions.
Le premier orgue, l'ancêtre du B-3, sortira des ateliers de
Ford en juin 1935 et s'appellera le
modèle A. Les tirettes harmoniques
(drawbars) sont chromées, dures à
manier, mais le meuble en noyer ciré a
déjà l'allure du B-3. Le pédalier de 25
notes est en éventail, les deux claviers
(Swell, clavier supérieur Récit et
Great, clavier inférieur Grand Orgue)
ont 61 touches chacun. L'électronique
comportant 2 tubes est fruste, le
câblage est en fil isolé par du coton,
les réservoirs d'huile sont immenses !
L'orgue est vendu $1193 et se branche
sur un ampli spécial (Tone Cabinet A-20)
valant $1250. Les 11 notes noires
commandant les 9 presets sont déjà
présentes et le Vibrato est un vague
trémulant commun pour les deux claviers.
Ce modèle sera fabriqué jusqu'en octobre
1938 ! Le modèle BC sorti en 1936 verra
arriver un second générateur à roues
phoniques doublant le premier; c'est le
générateur de Chorus. Ce générateur,
légèrement désaccordé par rapport au
premier produira un Vibrato Chorus d'une
beauté rare. Il faudra attendre le
modèle BV d'avril 1946 pour voir arriver
le Vibrato et le Chorus à scanner avec
ses trois réglages C-1, C-2, C-3 qui
vont faire le bonheur des jazzmen. Le
modèle B-2 de décembre 1949 introduira
le vibrato séparé par clavier ainsi que
les réglages soft ou normal agissant sur
le volume général de l'instrument.
Le premier B-3 avec les célèbres percussions harmoniques sera
introduit en janvier 1955 dans un climat
polémique, ce n'est pas le succès ! Les
tenants de l'orgue classique attaquent
Hammond. Il y a procès ; Hammond perdra
mais gardera le droit d'exploiter ses
brevets. Le B-3 coûte alors $2410 et se
branche sur un ampli, la Leslie n'existe
pas encore et les musiciens de jazz ne
le trouvent pas ailleurs que dans les
églises ou les chapelles.
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Hammond modèle A

Hammond modèle B

Intérieur vibrato chorus (M100) |
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De l'église au club |

Hammond RT3 |
Entre temps,
de nombreux modèles ont été construits,
le C (septembre 1939), CV avec vibrato,
C-2, C-3, D et DV. Le modèle liturgique
E de juillet 1937 aura un pédalier
concave, deux pédales d'expression comme
le premier BC (une par clavier) avec des
indicateurs mécaniques de niveaux
sonores : une merveille ! Le modèle B-A
de janvier 1938 rajoutera un lecteur de
rouleau type piano mécanique, c'est la
grande mode ! Le RT, successeur du E,
sortira en juillet 1949, le meuble est
imposant, mais il sera fabriqué trois
mois, de juillet à septembre 1949. Très
vite, le RT-2 est mis en production le
1er novembre 1949, il possède les
vibratos séparés sur les deux claviers.
Il sera produit jusqu'en janvier 1955,
qui verra son remplacement par le RT-3
possédant l'électronique du B-3 avec les
fameuses percussions harmoniques. C'est
un orgue de concert que l'on trouve
encore chez certains musiciens.
Parallèlement, la production d'amplis,
les Tone Cabinet, sera prolifique ; ce
seront plus de 30 enceintes qui seront
construites de 1937 à avril 1963.
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L'après guerre, l'âge d'or |
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Les bases
américaines installées en France après
la guerre de 1945 ont été le vecteur qui
a favorisé l'importation de l'orgue
Hammond en France. Chaque base avait son
orgue Hammond ; 1400 modèles Hammond
avaient été commandés par le Département
d'État. Il fallait les entretenir, ce
que faisait Robert Bonnet travaillant
chez Hanlet.
En 1960, RCA sort un disque qui va
révéler l'orgue Hammond aux francais.
The Lou Bennett Quartet avec Kenny
Clarke à la batterie,
Jimmy Gourley à la
guitare et
Jean-Marie Ingrand à la basse
fait un tabac avec ses titres comme Amen
(RCA 900.078).
Aux États-Unis, c'est l'incredible Jimmy
Smith qui sévit ! La raison du succès,
c'est aussi la
Leslie, cet amplificateur
très particulier donnant à l'orgue un
son velouté, mordant ou déchirant.
Laurens Hammond ne voulait pas entendre
parler de l'ampli à diffuseurs rotatifs
de Don Leslie : les musiciens le lui ont
imposé.
tribute to hammond
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La période belge |
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En 1960, le succès des Hammond est
tel en Europe que Laurens décide
d'ouvrir, entre autres, une usine de
montage en Belgique, à Anvers. Ce sera à
partir de ce moment, et pour des raisons
surtout économiques que la production va
perdre petit à petit sa qualité. Les
consoles sont fabriquées en Belgique
mais les orgues arrivent en pièces
détachées des États-Unis. Les modèles se
diversifient, les transistors
apparaissent, les premières boîtes à
rythmes font retentir leur Tchac Poum
Poum !
Parallèlement à la demande des particuliers les musiciens réclament un
orgue portable ; ce seront les belges
qui vont le réaliser : le Spinet L-100P
portable apparaîtra vers 1969,
disponible en 4 couleurs, noir, vert,
blanc ou rouge.
Ce sera un succès
considérable bien que l'instrument
souffre de nombreux défauts.
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Les LSI arrivent |
Présenté en
grande pompe au Musée des Arts et
Traditions Populaires vers 1970, Le
Piper Hammond anticipait l'arrivée des
orgues électroniques sophistiqués et des
synthétiseurs. Équipé de transistors,
puis des premiers LSI sur support
céramique, il permettait de faire des
accompagnements automatiques avec un
doigt, possédait une rythmique, imitait
des instruments de musique
traditionnels. Cette révolution marquera
le début des difficultés pour Hammond.
Pas de drawbars, plus de son de flûte,
le marché visé, c'est le grand public,
les masses, les LSI, ce n'est pas le
truc de Hammond, d'autres marques
(italiennes ou américaines) inventent
plus vite. Les orgues Hammond sont
chers, les sons ne sont plus
inimitables. Les modèles ont beau se
multiplier, la concurrence devient
extrêmement active et Hammond n'est plus
sur son terrain. D'erreurs en erreurs,
la marque subit des difficultés ;
l'usine de Belgique fermera en 1972.
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Hammond
Piper |
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Les années obscures |
La marque Hammond sera rachetée dans le
début des années 1970 par The Marmon
Group. Ce passage de l'épopée Hammond
est très obscur, rachats et ventes se
mélangent, l'empire vacille.
Le fait est
que les instruments à LSI sortis à cette
époque sont des instruments de
supermarchés sans grand intérêt : ils
sont fabriqués au Japon, et le
générateur à roues phoniques est arrêté
de fabrication en 1975 ; les stocks de
pièces détachés sont dispersés, Hammond
n'est plus sur le devant de la scène
alors que le B-3 y reste fermement.
tribute to hammond
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Noël Crabbe monte au créneau |
Amoureux de l'orgue Hammond, Noël Crabbe
est australien. Homme d'affaire éminent,
il acquiert le nom, les marques déposées
et toutes les licences en 1985 et confie
la recherche, le développement et la
fabrication à Suzuki qui soutraite au
Japon la fabrication pour de nombreuses
marques (Suzuki a travaillé pour
Ensoniq, et aujourd'hui construit pour
Young Chang/Kurzweil). Suzuki se donne
alors la vocation de redorer le blason
Hammond. De nouveaux modèles
apparaissent, essayant de copier
électroniquement et numériquement le
fabuleux B-3 ; citons le B-3000 et le
Super B. Ces instruments à base de
technologies modernes et de sampling,
accompagnements automatiques et autres,
réincorporent les tirettes harmoniques
qui ont pris le nom de Tonebars. Malgré
des qualités indéniables, ces
instruments déroutent le musicien
professionnel pour des raisons de
polyphonie restreinte, de temps
non-réel, de sonorités trop rigides.
L'électronique donne un son trop propre ; le succès du B-3,
ce sont ses défauts qui l'on fait !
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Hammond/Suzuki
XB-3 |
Présenté à Los
Angeles en 1991, le Hammond XB-2 et le
futur XB-3 (et l'expandeur MIDI XM-1)
s'inspirent totalement du B-3 légendaire
et marquent le retour officiel de
l'appellation Drawbars.
Les nouveaux
dirigeants de la Hammond/Suzuki Organ
Compagny ont visiblement compris une
chose : le B-3 est la référence dont on
ne peut s'éloigner, c'est un instrument
qui possède une âme.
Les nouvelles
technologies numériques
permettront-elles un miracle ?
Hammond/Suzuki a révélé courageusement
le défi.
Article publié dans keyboards n°44 -
juillet - août 1994 |
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